Introduction
La création de la Société Nationale de Cellulose et de Papier Alfa (SNCPA) remonte à l’année 1959 alors que la Tunisie venait d’accéder à son indépendance. Ce fût un choix stratégique pour le développement d’un premier noyau d’industrie lourde pour renforcer l’économie du Pays, de contribuer à la subsistance des ménages, mais surtout à transformer sur le site l’Alfa des hautes steppes qui avait été jusqu’à cette date, exporté vers l’Occident. Entrée en production en 1962. Elle se situait aux confins Ouest de la ville de Kasserine, en rebord Sud de la route de Kasserine à Feriana, mais elle est désormais entourée par des bâtiments résidentiels et administratifs en extension à la périphérie de la cité.
Notez dans ce contexte, les routes nationale n°17 et régionale n°182, la faille bordière Sud du fossé d’effondrement de Kasserine, le site de la SNCPA et sa conduite de rejet, l’oued Andlou accueillant ces rejets, la plaine d’El Gsarnia et la situation de la nappe de sous-écoulement d’El Arich, le réseau hydrographique : oueds Andlou Ed Darb et El Htab, qui conduit vers la plaine de Sidi Bouzid plus à l’Est
Dans cette partie des hauts plateaux (700m d’altitude) du centre ouest de la Tunisie, l’usine et la ville avoisinante atterrissent dans un fossé d’effondrement baptisé « fossé d’effondrement de Kasserine » en une sorte de grande vallée orientée E-W. Les roches y varient de calcaires à des sables qui constituent avec le réseau hydrographique de surface, l’un des châteaux d’eau, mais aussi l’un des réservoirs hydriques stratégiques les plus saillants du Pays.
L'Alfa (Stippa tenacissima) est utilisé pour la production de la pâte de papier noble (fibres longues) surtout destinée à l’exportation vers l'Occident, alors que d’autres pâtes sont importées et transformées pour les besoins en papier du marché local. Dans la steppe, l’on dispose d’une étendue de près de 430 000 hectares de « prairies » d'Alfa relevant administrativement des Gouvernorats de Kasserine, de Gafsa, de Sidi Bouzid et de Kairouan. Ces espaces économiquement stratégiques sont mis en défens et exploités pour la fibre de papier alfa.
Origine de la pollution dans le site SNCPA
Néanmoins, le système d’électrolyse à mercure, malgré de multiples précautions, n’est pas sans failles quand on considère l’obligation de purges, d’entretien et de pertes non intentionnelles, sans oublier une certaine nonchalance de l’utilisateur qui ne devrait pas voir dans le mercure en ces temps, un produit prohibé, mais plutôt un métal banal d’usage très courant (amalgames dentaires, différentes spécialités pharmaceutiques, catalyse chimique, lampes électriques et accumulateurs, appareils de mesures de laboratoire, …) et dont les qualités d’antiseptique ont été largement exploitées en médecine (mercurochrome officinal par exemple).
Fatalement, entre 1963 date d’entrée en production de l’UEM et février 1998 quand est tombée la décision d’un abandon dans l’état de l’Unité d’Electrolyse à Mercure de la SNCPA, des études conduites par des prédécesseurs (O’Connor Associates Environmental Inc., 1998 ; AMEC, 2005), soupçonnent :
- une injection dans le système d’électrolyse, d’une quantité additionnelle d’environ 8 à 12 tonnes de mercure chaque année, pour enrayer les pertes et entretenir la production de l’UEM,
- et par voie de conséquence une déperdition dans le milieu extérieur, chaque année, d’une quantité pratiquement équivalente de mercure ; le total livré au milieu naturel durant toute la période de fonctionnement de l’Unité d’Electrolyse à Mercure, en est estimé dans la marge 250 à 350 tonnes Hg (O’Connor Associates , 1998 ; AMEC, 2005 ; Direction Technique SNCPA, 2008), et le stock restant actuellement dans l’unité, entre 5 et 8 tonnes de mercure métal (voir courrier de la Direction Technique SNCPA en Annexe)
Ces pertes ont été occasionnées de manières diverses : pertes de mercure dissout dans les produits manufacturés, vaporisation du mercure et entraînement d’aérosols, mais aussi fuites, purges d’entretien et décharges plus ou moins involontaires dans l'environnement.
L’usine est aussi fortement consommatrice d’eau. La consommation moyenne actuelle est de 12000 m3/J qui, par voie de vaporisation et de rétention de l’eau dans le produit (en tout 15%), débouche sur une décharge moyenne de 10.000 m3 d’effluents de la SNCPA qui sont déversés sans aucun traitement, dans un cours d’eau voisin l’oued Andlou, via un caniveau de drainage collecteur. Néanmoins, des quantités de rejets plus importantes (15 à 17000 m3/j) ont été estimés en 1998 dans l’étude de O’connor Associates.
En dehors de la tentative de la SNCPA, d’instauration du traitement dans une STEP aux années 1971-72, aujourd’hui délaissée, les rejets journaliers non traités de la SNCPA ont toujours constitué une décharge de taille dans l’environnement, et semblent avoir contribué à véhiculer du mercure dans l’environnement, surtout avant 1998. L’oued Andlou les recevant, est un diverticule local important du réseau hydrographique ; il constitue avec l’oued Ed Darb incisant la plaine plus au Nord-Ouest, deux affluents importants de l’oued El Htab qui coule de l’Ouest vers l’Est pour alimenter la plaine de Sidi Bouzid, mais aussi des organes de recharge d’une nappe « d’El Arich » de sous-écoulement (underflow) voisine, largement sollicitée pour l’irrigation. Cette nappe logée dans des alluvionnements sableux du Quaternaire est circonscrite entre les cours des deux oueds Andlou et Ed Darb.
L’oued Andlou ayant pu véhiculer du mercure plus ou moins en suspension, emprunte un lit sinueux sur cinq kilomètres avant de déboucher dans l’oued El Htab qui à son tour coule en direction Est en recoupant la route régionale n°182 de Kasserine à Sbeitla.
En récapitulatif, deux centres émissifs de pollution par le mercure peuvent être soupçonnés :
- d’un côté, le site de l’UEM lui-même, doit de tout temps être soupçonné comme centre de départ de la contamination au mercure convoyée vers l’oued Andlou via le caniveau de drainage SNCPA, mais qui risque aussi une infiltration en profondeur dans le sous-sol de cette unité;
- de l’autre, l’oued Andlou, avec ses sédiments de lit, réceptacle et convoyeur de décharge peut constituer surtout en période d’étiage, un organe important de livraison du mercure au milieu extérieur, notamment par un effet de recharge de la nappe de surface.
Projet de mise en sécurité du site de l’ancienne unité de l’électrolyse à la société tunisienne de cellulose et de pâte à papier alfa
Dans le cadre du programme d’actions du Ministère de l’environnement (Direction Générale de la Qualité de la vie) dans le domaine de dépollution et de la réhabilitation des sites potentiellement pollués et après plusieurs compagnes d’investigation et d’analyses le projet de mise en sécurité du site de l’ancienne unité d’électrolyse à mercure à la société tunisienne de cellulose et de pâte à papier alfa a été réalisé en 2019 avec un cout de 2.9 millions de dinar.
Le projet a visé la réduction des risques dus à la pollution par le mercure dans le site de l’ancienne unité de l’électrolyse. Et la contribution, à la protection de la santé des populations et de l’environnement exposés à ces produits toxiques;
Présentation générale de l’unité d’électrolyse à mercure
- Le site de la SNCPA est situé à Kasserine, ville distante de 270 km au sud-ouest de Tunis.
- C’est une unité de production de pâte et du papier ALFA, entrée en production en 1962, et le projet de mise en sécurité et d’aménagement concerne une ancienne unité d’électrolyse à mercure, en arrêt depuis 1998.
- Les produits chimiques servant pour la cuisson de la plante d’alfa et son blanchiment en 03 stades CEH sont fournis à partir de l’unité d’électrolyse à mercure(UEM) qui actuellement en arrêt..
- De 1998 à ce jour, ces produits chimiques sont fournis par l’électrolyse à membranes.
- L’électrolyse à mercure (UEM) est le procédé le plus ancien, datant de la fin du dix-neuvième siècle, permettant la production de la soude liquide, de l’hydrogène gazeux, et du chlore gazeux.
- En plus des produits fabriqués par l’électrolyse, les besoins de l’usine de pâte d’alfa, nécessitent une transformation d’une partie des produits primaires de l’électrolyse en acide chlorhydrique, hypochlorite de calcium et chlore liquide.
- L’Unité d’Electrolyse à Mercure (UEM) se situe pratiquement au centre du complexe industriel de la SNCPA, sur une parcelle de terrain de l’ordre de 3910m².
- Elle comporte un bâtiment abritant les cellules d’électrolyse à mercure et les décomposeurs (cuves de stockage de l’amalgame de Sodium HgNa) et les auxiliaires à la production (magasin de stockage du sel de sodium, réservoirs pour stockage des solutions saumâtres, réservoirs du chlore, de l’hydrogène, de l’hypochlorite de calcium, de l’acide chlorhydrique,…),
Consistance des travaux
Les travaux sont répartis en trois lots. La consistance de ces travaux est détaillée ci-dessous :
- Mise en sécurité de l’infrastructure UEM
- Aménagement de la zone UEM
- Déblaiement, conditionnement et stockage de déchets
Photos prises dans le site avant les travaux :
Photos prises encours des travaux de dépollution
Photos prises à la réception des travaux :
Etat actuel de l’UEM démantelée