Contexte et problématique
L'organisation mondiale de la santé définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social. C’est un concept large dans lequel la santé est influencée par de nombreux déterminants et facteurs tels que les facteurs individuels génétiques (hérédité) et biologiques (vieillissement), les facteurs socio-économiques (ressources, activité professionnelle, logement), les facteurs comportementaux liés au mode de vie, l’accès aux soins et les facteurs environnementaux (agents microbiens, physiques, chimiques).
L’environnement est une notion également complexe et très diversement perçue selon les acteurs. Généralement, le concept d’environnement renvoie à la notion de milieu dans lequel nous vivons, c’est-à-dire à la notion de lieux et de Conditions de vie. Pour l’usager, l’environnement se réduit souvent au milieu perçu, à travers les milieux physiques (l’air, l’eau, le sol, l’alimentation etc.), les Conditions de vie personnelles ou professionnelles et les agressions physiques, chimiques ou biologiques. Plus récemment, la notion de santé environnementale a été développée par l’OMS. Elle élargit l’ancienne vision « hygiéniste » se rapportant à l’ensemble des mesures à mettre en oeuvre pour acquérir ou conserver la santé, à la notion d’interaction entre la santé et l’environnement quelle soit positive ou négative.
L’environnement a toujours eu un impact puissant sur la santé et le bien être des individus et des populations. C’est l’un des principaux déterminants de la santé qui apparaît, de ce fait, fortement corrélée avec la qualité de l’environnement dans lequel nous vivons. Les impacts des dégradations de l’environnement sur la santé humaine sont parfois scientifiquement validés, parfois suffisamment documentés pour mériter une action visant à en réduire les risques et parfois soupçonnés, voire encore inconnus, mais potentiellement suffisamment graves pour exiger une vigilance soutenue. Quoi qu’il en soit, la relation entre santé et environnement reste toujours complexe malgré les progrès réalisés.
Les expositions aux facteurs de l’environnement peuvent être aiguës ou chroniques, discontinues, continues ou alternées. Les manifestations surviennent à court, moyen ou long terme. En dehors des situations accidentelles, la mise en place de mesures de contrôle et de prévention peut faire diminuer les problèmes de risque biologique ou toxique liés à des expositions à de fortes doses de contaminants. Le problème majeur réside dans les expositions relativement faibles, chroniques et multiples. Cette situation a pour conséquence de rendre difficile l'évaluation de l’exposition (difficulté de mesure), l’estimation du risque (l’intensité des effets est souvent faible, les populations sont hétérogènes du point de vue de leur réactivité biologique), et l’inférence causale des résultats observés (exposition simultanée à une multitude de contaminants interagissant entre eux).
La détermination des risques pour la santé nécessite de connaître la source de pollution, la nature et l’évolution des polluants, l’exposition, la dose et l’effet. Jusqu’à présent, la démarche environnementale a largement été privilégiée. Faisant appel à des mesures physiques, chimiques ou microbiologiques, elle vise essentiellement à caractériser la qualité des milieux et les expositions potentielles. Cette approche se révèle néanmoins être insuffisante, et devra évoluer vers une vision plus intégrée et globalisante de la notion d’exposition et prendre en compte davantage les notions de milieux, de voies d’apport ou d’associations de contaminants. A l’opposé, l’approche «éco-sanitaire» qui s’intéresse à la santé de l’homme, objet ultime de la recherche dans le domaine santé environnement, a été beaucoup moins développée.
Les effets des facteurs de l’environnement sur la santé ne sont donc plus à démonter et on assiste actuellement, et en particulier suite à la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, à une prise de conscience mondiale sur la nécessité de protéger la santé humaine qui est tributaire d’un environnement sain. L’OMS, qui a été désignée comme responsable de la mise en application des objectifs définis dans l’objectif n° 6 de l’Agenda 21, estime, en utilisant l’indicateur "les années de vie corrigée selon l’incapacité", que 25 à 33% de la charge globale de morbidité mondiale est attribuée à des problèmes de santé environnementale. Elle a appelé les pays membres à élaborer des plans santé et environnement.
La Tunisie s’est attachée depuis longtemps à donner à la protection de l’environnement la place qu’elle mérite dans ses choix et stratégies de développement, et n’a pas attendu pour intégrer le développement durable dans toutes ses politiques. Elle s’est engagée dans cette voie et a adopté une politique environnementale basée sur la lutte contre toutes les formes de pollution et la préservation d’un environnement et d’écosystèmes sains.
D’autre part, le secteur de la santé bénéficie lui aussi d’une attention particulière et la promotion de la santé est l’un des axes important de la politique sociale tunisienne. Ce secteur a enregistré ces dernières années des progrès et a permis une évolution remarquable de l’état de santé de la population tunisienne, comme l’attestent les principaux indicateurs de santé, en particulier ceux relatifs au domaine de lutte contre les maladies infectieuses. Cependant, le système de santé, jusque là performant, doit faire face à plusieurs défis futurs relatifs, entre autres, à la transition épidémiologique et à la prévention contre les effets de la dégradation de l’environnement.
Par conséquent, les responsables de l’environnement et de la santé publique en Tunisie focalisent leurs intérêts sur la nécessité d’élaborer un plan santé et environnement dans le but de prévenir et de lutter contre les principaux risques sanitaires environnementaux. Ce plan viendra compléter les multiples actions dans le domaine, déjà engagées, et leur donner la cohérence et la complémentarité nécessaire, dans une approche globale et intégrée prenant en compte l’ensemble des polluants et des milieux de vie. Il s’intègre dans la démarche mondiale actuelle et dans la politique nationale.
Les nouveaux défis environnementaux en Tunisie et les implications pour la santé du citoyen
L'évolution socio-économique générale et les efforts consentis en matière de santé, a changé le paysage épidémiologique de la Tunisie, d’une prépondérance des maladies transmissibles à une domination des maladies dites dégénératives telles que les maladies cardio-vasculaires, les tumeurs, le diabète, les affections rhumatismales.
Les nouveaux défis se trouvent aussi au niveau des risques sanitaires qui se posent désormais pour l’ensemble de la population, exposée dans son activité professionnelle comme dans son activité quotidienne aux substances présentes dans l’air extérieur et intérieur, l’eau, les aliments et les autres produits de consommation courante. Un risque individuel faible peut, dans ce contexte, induire un risque collectif suffisamment important pour être considéré comme un véritable enjeu de santé publique.
La relation entre les facteurs environnementaux et les manifestations cliniques est complexe et parfois difficile à interpréter du fait des variations liées à la sensibilité des individus, du décalage entre les concentrations allergènes, par exemple, et l’apparition des symptômes, des concentrations liées au seuil d’apparition des manifestations, des concentrations liées au seuil pour lequel les manifestations sont maximales, de la succession d’apparition des différentes concentrations, de la fréquente multisensibilisation de certains individus.
De plus, l’étude de cette relation nécessite la prise en compte d’un certain nombre de facteurs de confusion : facteurs météorologiques, aéroallergènes fongiques, polluants atmosphériques, chimiques etc.
Les actions de prévention et de maîtrise des risques seront aussi prises en considération pour l’analyse. A ce propos, actuellement, en Tunisie, comme ailleurs, la question des risques sanitaires se pose de plus en plus pour des expositions chroniques et multiples à des facteurs pathogènes de faible intensité tels les (Pesticides…) voire, très faibles.
Les sources de dangers sont également diverses, mobiles et diffuses (industrie, transport, agriculture...). Il en résulte plusieurs difficultés nouvelles pour :
- la mesure des quantités de polluants engendrés, dans les milieux,
- l’estimation des doses auxquelles sont réellement exposés les individus,
- l’étude des dangers (effets de faible intensité, latence des pathologies, réactivité variable des différents sous-groupes exposés),
- la démonstration des relations de cause à effet (exposition à une multitude de contaminants interagissant entre eux).
Dans le contexte des "faibles doses", la prise de conscience de cette complexité du lien entre santé et environnement s’est récemment développée sur des problèmes tels que :
- Les sols pollués et la multiplicité des mécanismes de transfert des polluants vers l’homme via les milieux et la chaîne alimentaire,
- La pollution atmosphérique et la vulnérabilité de l’appareil respiratoire face à une gamme de polluants aériens, présents dans l’air extérieur et intérieur.