Collectivités locales et Agendas 21 locaux
Avec la promulgation du Code de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme (CATU) en 1994, les municipalités ont été dotées de certaines prérogatives dans le domaine de l'aménagement, de l'équipement et du développement économique et social des territoires communaux et cette approche a été confirmée en 2018, lors de la parution du Code des collectivités locales, qui comporte, lui aussi, des dispositions permettant la mise en œuvre des objectifs de développement durable, dont la réalisation est tributaire d’un engagement massif des collectivités locales, en milieu tant urbain que rural.
Dans cette optique, il serait opportun que les collectivités locales engagent des consultations locales élargies en tant qu’espaces de concertation et de dialogue autour des questions environnementales et de développement majeures.
De fait, l’élaboration et la mise en œuvre d'Agendas 21 locaux constituent les modalités appropriées de tels processus de concertation, dans le respect des orientations tracées par l'Agenda 21 national et de la vision commune pour un développement durable de la Tunisie de demain.
Concrètement, le programme Agenda 21 local vise à mettre en place un processus de planification local participatif visant à réaliser le développement durable et doter les villes et les collectivités rurales d'outils efficaces leur permettant de se rapprocher des critères de la notion de ville durable, qui a vocation à être généralisé à toutes les villes tunisiennes. Ce processus, suivi et encadré par le Ministère de l’environnement, a démarré en 1999 par une phase pilote d’élaboration d’un Agenda 21 local du bassin versant du Nord-Ouest tunisien. Par la suite, une vingtaine de commune ont pu élaborer leur propre Agenda 21 local et plus de 157 autres ont adhéré à la démarche.
Afin de généraliser le processus des Agendas 21 locaux dans toutes les collectivités locales tunisiennes et d’améliorer les approches suivies pour la conduite de ces processus, la Direction générale du développement durable (DGDD) du Ministère de l’environnement a supervisé l’actualisation du document de référence relatif au processus Agenda 21 local, en vue d’enrichir le guide existant («Guide Agenda 21 local avec une synthèse en arabe et en français » ) et d’y inclure les innovations apportées par les expériences pratiques des collectivités locales, objet de la deuxième phase (« Processus Agenda 21 local en Tunisie : initiatives leaders avec une synthèse en arabe et en français »), tout en répondant aux interrogations majeures posées par ces collectivités.
2- Cadre juridique et institutionnel des Agendas 21 locaux en Tunisie
Le Programme Agenda 21 local en Tunisie est une démarche participative au niveau national, régional et local initiée en 1995 (approbation par la Commission nationale pour le développement durable), consacrée à l’intégration des principes du développement durable dans notre pays, en réponse aux recommandations de l’Agenda 21 des Nations Unies approuvé lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro 1992.
Pour une meilleure adhésion à ce processus, le Ministère chargé de l’environnement a réalisé en 2015 une étude ayant pour objectif général le renforcement de la politique environnementale et du développement durable décentralisé de la Tunisie, et ce, à travers une redynamisation et une généralisation de l’approche Agenda 21 local sur l’ensemble du territoire de la République, suite à une transformation et à une institutionnalisation du processus, d’abord volontaire et expérimental, en une procédure réglementée, l’idée étant de proposer une architecture juridique renforcée précisant le rôle des Agendas 21 locaux comme principaux outils de développement durable au niveau régional et local.
Les objectifs et le contenu de l'étude
L'étude visait à accompagner et à contribuer à la décentralisation de la politique environnementale et de développement durable en Tunisie, en activant et en généralisant le processus Agenda 21 local, et ce, en passant d'une voie participative volontaire à une voie légalement et institutionnellement codifiée. Il s'agit de proposer un cadre juridique et institutionnel s'appuyant sur les expériences réussies d'autres pays et de faire de l'Agenda 21 local et régional un outil de développement équitable répondant aux aspirations de tous les habitants, garant d'un développement durable prenant en compte les droits des générations futures.
L’étude comprenait deux phases :
Phase 1 : diagnostic de l’état des lieux, articulé autour de trois axes :
- l’analyse diagnostic de la situation juridique, réglementaire et institutionnelle en lien avec le développement durable et plus particulièrement avec le processus Agenda 21 local ;
- l’inventaire des lois et textes régissant l’approche participative de planification régionale ;
- l’identification des contraintes des dispositions des lois et règlements en vigueur régissant l’approche participative de planification régionale.
Cette phase a démontré que le développement régional en Tunisie était, depuis la période coloniale, encadré par des documents de planification conçus par l’Administration et n’avaient pas pour ambition de parvenir à un développement durable régional. Les différents schémas de planification, particulièrement depuis les années 1980, visaient principalement à organiser l’expansion urbaine et n’ont pas fait l’objet d’une prise en compte des vues des différents acteurs des territoires : collectivités locales, organisations de la société civile, citoyens et entreprises.
Or, la planification renvoie nécessairement à la gouvernance, à savoir aux différents acteurs qui président aux choix d’organisation du territoire. Dans ce domaine, les choses ont considérablement évolué en Tunisie depuis les étapes anciennes et fondatrices de la planification.
Au-delà de la décentralisation consacrée par les premiers textes relatifs à la décentralisation (1975), une stratégie de planification efficace repose, désormais, sur une participation et une responsabilisation citoyennes.
Les administrations régionales chargées de la planification, les conseils régionaux et municipaux, maîtres d’ouvrage de la planification dans leurs territoires, doivent trouver leur place et une occasion de s’exprimer dans le cadre d’un processus transparent. La force de conviction, la capacité de négociation et la mise en place de dispositifs incitatifs, combinés à des mécanismes juridiques susceptibles de pallier certaines dérives ou capacités de blocage de l’administration sont ainsi apparues comme les conditions de mise en œuvre d’une démarche partagée. L’aménagement, traduisant une vision descendante, pourrait alors laisser place à un projet spatial négocié, porteur d’une vision d’avenir et d’une cohérence des politiques de développement.
Il a été démontré qu’à la différence des dispositifs de planification territoriale de niveau régional ou local présentés lors de cette phase, déjà intégrés dans les dispositifs réglementaires nationaux, les Agenda 21 Locaux étaient encore considérés comme des dispositifs expérimentaux, d’où l’absence d’une reconnaissance réglementaire au niveau national.
La phase 1 de l’étude a donc proposé d’organiser concrètement le dialogue entre ces démarches, via une réglementation appropriée, des schémas d’organisation et des méthodes de travail internes, des processus de concertation avec les acteurs, ou encore le partage d’objectifs communs et d’une culture commune.
Il s’agit de passer d’une vision du développement régional à une autre et de pratiques institutionnelles à d’autres en créant un cadre juridique de référence amenant les responsables à modifier leurs actions. L’Etat, à travers ses différentes institutions, joue certes, un rôle important dans la constitution de ce cadre mais sa mise en œuvre dans le nouveau contexte socioéconomique du pays relève, elle aussi, pour l’essentiel, d’une capacité juridique et institutionnelle.
Les évaluations effectuées par le Ministère chargé de l’environnement, corroborées par le diagnostic de l’état des lieux et les visites sur le terrain, ont révélé que la mise en œuvre des Agendas 21 locaux était insuffisante et inégale et variait considérablement par l’ampleur et le niveau d’ambition selon les collectivités concernées. De plus, il a été constaté que le suivi de la mise en œuvre des Agendas 21 locaux n’était quasiment pas assuré.
La Phase 1 de l’étude a conclu à la nécessité d’accompagner juridiquement ce processus afin de mettre en cohérence les diverses procédures administratives à l’œuvre sur chaque territoire. Dans cette logique, il a été suggéré que le processus Agenda 21 local ne soit pas juste une procédure supplémentaire, mais une réflexion stratégique permettant de donner un sens à l’action des collectivités et acteurs des territoires et dans cette optique, la réglementation est d’une importance fondamentale lorsqu’il s’agit d’influer sur la prospérité des collectivités et des sociétés.
Phase 2 : Promotion et mise en place d’un projet de cadre institutionnel et juridique du processus Agenda 21 local
Cette seconde phase avait pour objet la promotion et la mise en place d’un projet de cadre institutionnel et juridique du processus Agenda 21 local, et a été réalisée conformément aux axes suivants :
- la proposition du renforcement des structures institutionnelles existantes ; via l’ajustement et la modification des mandats, le développement des compétences nécessaires, la modification des législations pertinentes et la mise à disposition des fonds nécessaires au fonctionnement des activités du dispositif.
- la proposition de textes règlementaires et d’un projet de cadre institutionnel susceptibles d’améliorer la généralisation de l’approche Agenda 21 local en Tunisie
- la proposition d’une Stratégie de communication en faveur de l’Agenda 21 local en Tunisie.
Cette phase a aussi mis en lumière le concept de planification participative dans ses deux volets de participation et de planification, principaux éléments sur lesquels repose le processus Agenda 21 local. Elle a également permis d’identifier les contraintes rencontrées par les différentes structures institutionnelles de planification intervenant dans la mise en œuvre du processus l’Agenda 21 local et d’envisager les mesures à prendre pour consolider leur rôle en la matière. De même, elle a proposé un plan de communication susceptible de mobiliser les populations locales pour une participation active à la définition des programmes Agendas 21 locaux et de leur exécution.
Un projet de cadre juridique et institutionnel visant à accompagner le déploiement du processus Agenda 21 local en Tunisie a été présenté.
3- Projet d’assistance à l’élaboration et à la mise en œuvre des Agendas 21 locaux
Les objectifs spécifiques du projet consistent à sensibiliser, animer, mobiliser et aider les collectivités locales et les partenaires locaux au cours des différentes phases d’élaboration des agendas 21 locaux. Sachant qu’il s’agit d’un processus mené en concertation avec tous ses acteurs régionaux du développement durable : élus et personnels locaux, habitants, associations, entreprises, structures déconcentrées de l'Etat, réseaux de l'éducation et de la recherche. Cette assistance doit respecter un cadre de référence tenant compte des éléments déterminants de la démarche à savoir :
- La participation de la population et des acteurs locaux,
- l’organisation du pilotage,
- la transversalité de la démarche,
- l’évaluation,
- une stratégie d’amélioration continue.
La finalité est l’élaboration collective d’une vision prospective du territoire à travers :
- la perception et les attentes des acteurs territoriaux,
- la prise en compte du long terme,
- le diagnostic précis du territoire,
- le plan d’action de mise en œuvre de l’Agenda 21 local.
Le partenaire recruté dans le cadre de ce projet a une position d’accompagnateur favorisant une démarche participative et une capacité d’animation des différentes phases suivantes :
Phase 1 : lancement de la démarche : fournir l’assistance aux communes dans la mise en œuvre des activités suivantes :
- sensibilisation et communication des informations aux citoyens et aux élus via tous les moyens disponibles, à partir de documents synthétiques, afin de les amener à s’intéresser à la démarche et s’interroger sur le processus : il s’agit de structurer les données dont dispose la collectivité en interne (constats, atouts, faiblesses, pistes à améliorer) et de compiler des informations existantes (bibliographie, données, documentation…) ;
- organisation d’une journée de dialogue public qui représente l’officialisation de l’engagement d’une commune dans le processus Agenda 21 local :
- constitution d’un Comité Agenda 21 local regroupant des représentants du tissu socio-économique et associatif local, ayant une connaissance des réalités de la commune, avec l’appui des communes pour la mise à la disposition du Comité d’un local servant de lieu de rencontre des acteurs et d’archivage de la documentation utilisée.
Phase 2 : diagnostic du territoire communal, via la détermination transparente des thématiques et perspectives de développement, telles qu’elles sont vécues par les citoyens : il s’agit d’exploiter le pré-diagnostic afin de l’inscrire dans la transversalité et d’apporter une expertise en matière de développement durable, et ce, en réalisant les différentes tâches suivantes :
- établir un aperçu de la situation de la commune à partir du pré-diagnostic interne, des documents existants et d’une recherche de données complémentaires,
- faire le bilan des actions communales en matière de développement durable et les qualifier, ainsi que le point sur les potentialités de la commune et réaliser un travail d’analyse pour déterminer les causes et les effets des problèmes rencontrés,
- organiser et animer des ateliers thématiques, en collaboration avec le Comité Agenda 21 afin d’impliquer les groupes constitués (associations, conseil municipal et partenaires institutionnels) et recueillir leurs perceptions des thématiques retenues : à ce titre, des supports pour l’organisation des réunions sont prévus, comme l’identification des enjeux du territoire à partir de la concertation préalable et la rédaction d’un rapport dégageant les atouts et faiblesses du territoire ainsi que les opportunités, menaces et enjeux locaux.
Phase 3 : élaboration du plan d’action à partir du diagnostic (problématiques et perspectives), en collaboration avec le Comité Agenda 21 local, en définissant les objectifs et les axes stratégiques que l’on peut et que l’on souhaite atteindre et les actions à entreprendre à cet effet.
Phase 4 : rédaction du document Agenda 21 local, en concertation avec le Comité Agenda 21, en tant que document de synthèse de tous les travaux effectués dans le cadre du processus, des actions et projets retenus et du plan opérationnel de mise en œuvre ; ce document doit être approuvé par le Comité Agenda 21 local avant impression.
Phase 5 : assistance aux communes et Comités Agenda 21 locaux, en vue du soutien à la mise en œuvre du Plan Action 21 et de la sensibilisation des collectivités locales aux thématiques suivantes :
- l’identification des sources potentielles et des modalités de financement des actions, la préparation des requêtes de financement et les fiches de projets,
- la mise en place d’un dispositif de suivi.
Cette mission d’assistance a vocation à se poursuivre jusqu’au 1ère trimestre 2023 et concerne un premier lot de 6 communes à raison d’une commune par gouvernorat, à savoir : El Amra (Sfax), El M’agoula (Beja), El Oueslatia (Kairouan), Hammam Sousse (Sousse), Deguech (Touzeur), Khelidia (Ben Arous),