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Projet de code de l'environnement
Edité par : Webmaster Dernière mise à jour :28-10-2022

Le droit de l'environnement en Tunisie a connu, de 1988 à ce jour, une progression rapide et soutenue, tant en ce qui concerne la lutte contre les pollutions et nuisances que la protection de la nature et de la diversité biologique. Cet essor correspond à la prise de conscience de l'importance des enjeux environnementaux à l’échelle tant internationale que nationale et à l'attachement, aussi bien des pouvoirs publics que des citoyens, aux valeurs-refuges du patrimoine naturel et culturel du pays.

Cependant, force est de constater aujourd’hui quele droit de l’environnement apparaît fragmenté, composé de normes disparates et dispersées dans divers instruments juridiques (conventions internationales, lois, décrets, arrêtés…), dont certains ne sont d’ailleurs pas spécifiquement consacrés à la protection de l’environnement.

En outre, tout en régissant un nombre assez important de composantes et de phénomènes liés à l’environnement, ces textes négligent d’autres aspects environnementaux. Ainsi, le droit tunisien en la matière, même s’il est développé à certains égards, demeure insuffisant et tronqué sur d’autres points.

En effet, les textes adoptés jusqu' à ce jour en matière d’environnement ont été élaborés sur la base de priorités bien définies :

  • la faune et la flore sauvages ;
  • les espaces protégés ;
  • la police des établissements classés ;
  • la pollution des eaux ;
  • la conservation des eaux et du sol ;
  • la pollution de l’air
  • la gestion des déchets ;
  • l’agriculture biologique ;
  • la maîtrise de l’énergie ;
  • la prévention de la pollution via l’introduction de l’étude d’impact.

Pour autant, ces différents domaines couverts par le droit de l’environnement, quoique importants, ne permettent pas, isolément, de prendre en compte tous les éléments fondamentaux de la protection de l’environnement et de constituer, ainsi, une référence de base servant de cadre pour une véritable transition écologique durable de la Tunisie.

Ainsi, tout en consacrant une approche protectrice certaine, le droit national de l’environnement actuellement en vigueur demeure insuffisant et représente une source de confusion, d’incohérences et d’inégalités dans le traitement des phénomènes environnementaux, témoignant d’une protection inachevée et ne favorisant pas un accès aisé à la règle juridique, à sa compréhension, à son acceptation et à son application.

La dispersion, l’enchevêtrement des textes normatifs et des différentes dispositions ayant trait à l’environnement sont dommageables à la maîtrise, à la communicabilité et à la diffusion de ce droit, y compris au sein même de l’appareil d’Etat.

Il apparaît ainsi clairement que le droit applicable à l’environnement ne reflète pas une approche intégrée et harmonieuse, témoignant de l’existence d’une stratégie claire et communément acceptée.

Outre les insuffisances liées au cadre juridique existant, plusieurs éléments attirent l’attention sur la gravité de la situation environnementale et justifient une protection renforcée du cadre de vie des citoyennes et citoyens tunisiens.

En effet, les dégradations subies par l’environnement depuis le 17 décembre2010illustrent les conséquences désastreuses de certains agissements sur les ressources et milieux naturels, les forêts, les aires protégées et le littoral et constituent un exemple édifiant de la nécessité d’améliorer le cadre juridique existant.

Il convient, bien entendu, de valoriser la constitutionnalisation de la protection de l’environnement et des droits environnementaux, entamée en 2014 et reconduite avec la Constitution du 25 juillet 2022, qui garantit le droit à l’eau (art. 48), le droit à un environnement sain et à la sécurité du climat (art. 47),ce qui représente une étape importante de l’évolution du système juridique national en la matière et ouvre la voie à la mise en œuvre de ces droits, via un code qui en garantit l’exercice : en effet, afin de contribuer effectivement au bien-être de tous, cette constitutionnalisation nécessite divers moyens, outils et mécanismes juridiques efficaces et adéquats pour devenir réelle.

Bien entendu, d’autres éléments contribuent à la concrétisation des droits environnementaux, comme l’évolution de la politique nationale de protection de l’environnement et l’adhésion officielle du pays aux normes et principes internationaux figurant dans les divers accords environnementaux multilatéraux, ce qui confirme la nécessité d’élaborer un document intégrateur de tous les nouveaux aspects non encore consacrés par le droit en vigueur.

C’est le cas de la mise en œuvre des principes et mesures énoncés dans divers nouveaux accords relatifs au climat, à la diversité biologique, à la biosécurité … d’où la nécessité d’une mise en conformité du droit interne avec les conventions internationales signées et ratifiées par la Tunisie.

De même, une adaptation des textes à l’évolution sociale est également indispensable, car les « nécessités sociales » génèrent de nouvelles règles de droit, autant qu’elles enrichissent celles existantes.

En outre, on ne peut évoquer la protection de l’environnement sans la relier à la santé telle que définie par l'Organisation Mondiale de la Santé, notamment parce que le droit à l’environnement a été introduit dans le système des droits de l'homme via le droit à la santé (art 12 du Pacte international des droits économiques et sociaux de 1966). La santé est en effet une composante indissociable de l'environnement, surtout aujourd'hui avec les concepts « une seule santé » et « une seule Terre » reliant homme, animaux et biodiversité.

C’est précisément dans la perspective de mieux encadrer juridiquement toutes ces questions qu’il est apparu nécessaire d’élaborer le présent projet de code du droit tunisien de l’environnement. En effet, ce projet a pour ambition de mettre de l’ordre dans la législation environnementale, de faciliter l’accès au droit, de renforcer la sécurité juridique en tant qu’exigence reconnue d’un Etat de droit, tout en contribuant à l’imprégnation de la société par les normes environnementales. Le travail de recensement, de commentaires et d’analyse des textes juridiques et de leurs perceptions et applications par les différents intervenants, mené lors de la phase préparatoire du présent projet, a permis de réfléchir à l’approche et aux objectifs du projet de code de l’environnement, en vue de son insertion dans l’arsenal juridique existant.